lundi 5 novembre 2012

Rien ne s'oppose à la nuit (suite)



Pour compléter tout ce que tu as dit avec lequel je suis d’accord :
Je trouve vraiment intéressant de comprendre  différents paradoxes : Cette enfant vit une vie tout à fait particulière et ce qu’elle nous raconte est totalement inhabituel et même hallucinant (et elle-même en a conscience) et pourtant c’est son quotidien. Ça devient du « normal » pour elle.
Son histoire est chaotique, bancale. Elle est confrontée à la peur pour sa mère et à la peur de sa mère. C’est une enfant et néanmoins, elle doit se protéger, protéger sa sœur et même protéger sa mère. Elle grandit mal et trop vite. On pourrait imaginer une adulte complètement destructurée, perdue et on voit qu’elle a réussi à se construire, à construire une vie qui a un sens.
 Son écriture est très touchante, elle décrit bien les sentiments qui l’animent. Elle explique sa démarche, ses hésitations, ses questionnements. Cela permet au lecteur de comprendre son histoire. C’est très certainement pour elle  thérapeutique. Ça lui permet de continuer à avancer. Comme on l’a dit lors de notre rencontre, sa douleur est « criée », on sent qu’elle parle « avec ses tripes » et donc que le bout du chemin n’est peut-être pas encore atteint. Mais, je pense que cette force lui a permis de  résister et d’avancer dans la vie. Elle a le courage de combattre les non-dits et elle permettra peut-être aux générations futures de se débarrasser de ce fardeau familial.
Je suis curieuse de savoir comment va sa sœur et comment elle gère sa propre histoire.

mardi 30 octobre 2012

Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan

C’est un roman que j'ai dévoré. Je l'ai lu en très peu de temps. Quand je l'avais entre les mains, je ne voulais plus le déposer. 


C’est l’histoire d’une famille. Les histoires de famille, les histoires individuelles, les histoires de générations sont des sujets qui me tiennent à cœur. Peut-être parce que je suis moi-même en train de me questionner sur ma famille, mes racines, mes origines. Par ailleurs, ce n’est pas une fiction. L’auteur fait beaucoup d’efforts pour restituer les faits tels qu’ils ont été vécus par les membres de sa famille. A chaque page du roman, j’ai pensé à ma famille, à mon enfance, … est-ce que je pourrais écrire sur ma mère ou mon père ? Pourrais-je écrire sur ma propre vie ? Ce qui m’a plu c’est la véracité des faits. Ce n’est pas le tableau rose d’une famille nombreuse où tout est parfait. Comme dans toute famille, il y a des décès, des non-dits, des secrets, des douleurs, …

C’est la première fois que je lis un roman, où l’auteur tient à nous raconter son travail d’écrivaine. Elle nous confie toutes les difficultés que peut rencontrer un écrivain. Quelle va être la fin ? Quel est le fil directeur ? Quels pronoms utiliser ? Je ou elle ? Les subterfuges qu’elle trouve pour éviter de s’asseoir devant son bureau.  Et puis, la difficulté supplémentaire à laquelle se heurte cette auteure, c’est le lien qu’elle entretient avec le personnage principal. Il s’agit de sa mère. Elle pense également aux autres membres de la famille. Elle pense à leurs réactions quand ils liront le roman. J’ai aussi été interpellée par les titres de romans qu’elle cite, notamment celui de Christine Angot, L’Inceste, celui Lionel Duroy, Le chagrin, et celui de Gérard Garouste, l’Intranquille, œuvres qui font partie de la liste de romans que je souhaite lire. Encore une fois, pour moi, le roman de Delphine de Vigan et ceux qu’elle cite, viennent démontrer le poids, l’influence de notre vécu familial sur notre vie d’adulte.

Concernant les personnages, j’ai eu du mal au début du roman à comprendre Liane, la grand-mère de Delphine de Vigan. Comment une femme pouvait-elle avoir pour seul dessein de faire 12 enfants? Elle m’a aussi beaucoup surprise par son attitude, de mon point de vue irresponsable, auprès des enfants. Le fait qu’elle les envoie au parc... qu’elle dorme, alors que 5,6 ou 7 marmots sont en liberté dans la maison ou dans le parc ? Elle m’a aussi stupéfaite, quand elle dit « ce n’est pas bien de raconter des choses comme ça sur votre grand-père ». C’est difficile d’accepter que durant toutes ces années qu’elle a partagées avec George, elle n’ait rien remarqué… Mais dans les histoires de viol ou d’inceste, très souvent, beaucoup de personnes qui côtoient le violeur, sont aveugles, ne voient pas ou ne peuvent pas accepter ce qui se passe.

Georges,  j’ai commencé à le trouver suspect quand l’auteur dit qu’il regardait Lucile d’un autre œil. Quand elle raconte qu’il ridiculisait les enfants, qu’il n’acceptait pas leur attitude d’ado, … et puis quand elle dit que ses relations avec les filles étaient douteuses… quand Lucile appelle Delphine pour s’assurer que tout va bien, qu’elle débarque de la salle de bain toute nue et découvre Delphine dans sa chambre, quand elle raconte qu’elle avait peur que sa fille soit violée par l’homme avec qui elle sortait …je réfléchissais tout au long des pages que je tournais sur ce qui avait pu provoquer chez Lucile ce côté mystérieux, ce côté renfermé ?
Et j’ai commencé à avoir de plus en plus de doutes sur son père. Et quand j’ai appris qu’il l’avait violé. J’ai posé le livre et j’ai dit : je le savais.

L’auteur m’a beaucoup touché, notamment quand elle était enfant. Pour moi, elle a été enfant thérapeute. Elle n'a pas vraiment vécu son enfance. Très jeune, elle devait subvenir aux besoins de la famille en posant pour des photographies. Elle n'a pas vécu non plus complètement son enfance, car elle devait aider sa mère à assurer son rôle de mère. Quand elle court pour sauver sa sœur des mains de sa mère, elle doit avoir 14 ans, c’était le 31 janvier 1980 (date de la 1ère crise de Lucile – elle a 33 ans -, suite aux suicides de son compagnon et de son frère Milo mai 1979). Elle dit d’ailleurs : « J’écris à cause du 31 janvier 1980. » Date à laquelle tout chamboule, date de non retour, date à laquelle elle devient définitivement adulte et chasse la pureté, l’innocence de l’enfance. Elle n'est plus enfant, quand ses parents ont divorcé et qu’elle doit jouer le rôle de la médiatrice entre les deux parents. Les moments difficiles qu’elle traverse quand Lucile va de mal en pis (Lucile écrit « je vais craquer » avec son rouge à lèvre sur le miroir de la salle de bains), Delphine (environ 11 ans) a peur de retrouver sa mère morte. Puis après la  première crise, l’anorexie, puis le virus qu’elle attrape, … montrent combien l'écrivaine a souffert. Pour moi, Delphine de Vigan à travers l’écriture a essayé de comprendre mais surtout elle cherchait une réponse, une réponse qui n’existe pas en fait. Pourquoi sa mère en est arrivée là ? L’auteure, aurait-elle pu faire quelque chose ? Je pense que c’est l’enfant en elle qui cherchait à se déculpabiliser, qui cherchait une preuve d’amour et que rien n’aurait pu changer le cours des choses. Delphine de Vigan à travers ce roman essaye de guérir.

Les parties du roman qui m’ont étonnées : quand Lucile écrit et envoie à toute la famille (Lucile a 32 ans) qu’elle a été violée par son père. On comprend bien à travers ce roman, que les histoires d’inceste sont extrêmement difficiles à vivre et à accepter dans les familles. Qu’aurait-il pu se passer si un membre avait pris au sérieux ses confessions ? Son père aurait été condamné… et je pense que beaucoup de membres de la famille ont pensé à : que diront les autres ? Quelle image aura notre famille ? Qu’allons-nous légué à nos enfants ? Ils ont préféré taire… faire comme si de rien n’était… et Lucile comme après la mort d’Antonin, ou comme avant la mort d’Antonin, était là physiquement mais absente au sein de la famille. Du moins, c’est ainsi qu’elle l’a ressenti je pense. Finalement on peut se demander jusqu’où cette famille était réellement unie ? En apparence, comme dans le film enregistré, c’était une famille nombreuse et joyeuse, mais en réalité, tout est différent. Les membres, Lucile y compris, ne conservent pas cette peinture idyllique d'une famille exemplaire. 

C’est un roman qui nous tient vraiment en haleine avec des mots poignants et un beau style de narration.

Parmi les thèmes abordés, les histoires de famille, les secrets de famille, l’inceste, la maladie, celle de la bipolarité (Lucile et Barbara, la sœur de Liane), le suicide (pacte entre Jean-Baptiste – il est le cousin germain de Lucile et il était le père de l’enfant de Justine, Niels et Milo) , le pouvoir libérateur de l’écriture, la psychogénéalogie, l’isolement dans lequel se trouve une personne dépressive, la masturbation, le divorce, le tiraillement dans lequel se trouvent les enfants de parents divorcés. 

J'ai bien apprécié lors de notre rendez-vous littéraire, la discussion qui a débuté avec le thème de la psychogénéalogie et s'est clôturée sur le thème des différentes méthodes de guérison avec les magnétiseurs et les coupeurs de feu.

Banu

Et puis Paulette... de Barbara Constantine



J’ai savouré ce roman pour plusieurs raisons. Tout d’abord les personnages sont très attachants. J’ai d’ailleurs pensé à « Ensemble c’est tout », de Anna Gavalda  ou « La valse lente des tortues » de Katherine Pancol ou encore « le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates » de Mary  Ann Schaffer parce que les personnages de ces romans étaient aussi sympathiques, bienveillants, drôles, attendrissants, … bref vivants. Ferdinand, je l’ai trouvé bourru,  drôle, attendrissant et têtu, un personnage qu’on aime malgré tout. Marceline, bienveillante, maternante, sensible. Les enfants, Lucien et Ludovic, ils m’ont bien fait rire, de véritables peintures de l’innocence, de la franchise et de la joie de vivre. Muriel et Kim courageux, volontaires, une image assez fidèle de la génération des jeunes d'aujourd'hui. Les sœurs Lumière, symbole d’une amitié exemplaire. Guy et sa moitié, un couple soudé soumis à une séparation, une des douleurs de la vie les plus difficiles à surmonter, de mon point de vue. Enfin Roland et sa femme, l’image d’un couple qui se désagrège, un tableau qui me rappelle autour de moi des amis ou couples qui se sont séparés.

J’ai aussi rapproché ce roman de « Ensemble, c’est tout » et des autres, parce que le ton est léger. Les moments difficiles de la vie ne sont pas racontés de façon dramatique. Vous ne ressortez pas de ce roman complètement bouleversé et perturbé, comme vous pouvez l’être, dans mon cas, quand j’ai lu « D’autres vies que la mienne ».  Et puis toutes les références faites à la nature, aux tisanes pour se soigner, à l’agriculture bio, à la peinture faite maison, … C'était un régal !

Ce que j'ai beaucoup apprécié également, ce sont les thèmes qui y sont abordés et évidemment la façon dont ils sont abordés. L’amitié et l’amour, le ciment de la vie, des liens d’amitié se créent entre les générations, à travers une même génération, et ces liens se créent tout au long du roman. Ferdinand est à l’origine de cette grande toile d’amitié qui se forme dans sa grande maison. Et puis l’entraide, la solidarité, l’empathie, le respect de l’autre (quand personne n’ose poser la question à Marceline), la bienveillance.
Et puis des thèmes d’actualité, les problèmes de logement, l’agriculture bio, la gestion du deuil, le déni de grossesse, la dépendance des personnes âgées, la solitude, la maladie, …

Puis l’écriture de l’auteur, une lecture facile, simple et parfois des petites expressions que j’ai bien aimées, comme « rester comme deux ronds de flan », …

La fin nous laisse sur notre faim… on a envie d’en savoir plus…

dimanche 1 juillet 2012

d'autres vies... (2)

ça y est!! Je peux écrire. Merci Banu!
Voici donc le message que je voulais faire paraître il y a quelques jours:


Bon, je prends enfin le temps de participer!
Ce livre m'a plutôt plu même si je n'ai pas accroché tout le long. Il était facile et rapide. C'est la fin surtout qui m'a touchée:
cette mère qui essaie par tous les moyens de rester debout malgré ce qui la submerge et cherche à laisser une bonne image à ses enfants. ça nous fait réfléchir à la réaction qu'on pourrait avoir nous-mêmes.
Peut-être que les choses auraient été différentes si elle avait les abordées autrement...mais ça personne ne peut le dire. Chaque histoire est singulière et la rencontre avec la maladie peut prendre tellement de formes différentes. Il apparaît tout de même que c'est toujours un combat. les gens que j'ai vu très malades, se sont battus, chacun avec leurs armes.
La religion peut effectivement aider à accepter la mort si elle promet le passage dans un autre monde, meilleur. Sinon, c'est une fin.
dans la religion catholique, les méandres de la vie sont des épreuves envoyées par Dieu, épreuves qu'on accepte avec résignation. C'est bof présenté ainsi, non ?
Ou bien, pire! c'est qu'on l'a mérité!
C'est difficile de se sortir de ces idées reçues.

Je suis néanmoins persuadée que le dépassement de ces épreuves, fait grandir (pas toujours joyeusement) et mieux comprendre les autres.

Anne-Claude.

mercredi 13 juin 2012

D'autres vies que la mienne d'Emmanuel Carrère


Concernant le roman d’Emmanuel Carrère, j’ai trouvé qu’il était difficile à lire à certains moments, notamment à la fin… c’est une histoire qui réveille des émotions fortes. On a été plusieurs à verser des larmes à la fin. Mais contrairement à moi, les autres lectrices ont trouvé l’histoire triste et dramatique. Une mère qui perd ses enfants, une mère qui souhaite voir ses enfants moins longtemps pour éviter que ces derniers ne s’habituent à elle. Une mère qui a vécu deux fois la maladie. Une mère qui ne partage pas ou peu sa douleur, sa maladie avec son entourage. Une mère qui parle de sentiment d’abandon dans son enfance. Une mère qui a peur de perdre ses enfants… et aussi une mère, et là c’est mon point de vue, qui vit de nouveau cet abandon ressenti dans son enfance à travers sa maladie et l'abandon de ses propres enfants. Ce qui m’a dérangé dans ce personnage c’est le fait qu’elle ne se soit pas battue, c'est ce que j'ai dit hier.  Mais en fait, je pense m’être mal exprimée. Ce qui me dérange c’est qu’elle n’ait pas accepté la maladie, qu’elle ne l’ait pas partagé avec ceux qu’elle aime, qu’elle n’ait pas lâché prise, qu’elle ait essayé de rester forte pour empêcher que les autres souffrent. Elle ne s’ouvre pas. Elle voit la maladie comme une fatalité. Je ne dis pas que c’est facile. Je ne dis pas non plus que c’est de sa faute. Au contraire, je dis qu’elle a été trop dure avec elle-même, qu’elle a privilégié ses enfants et son mari aux dépens de son bien-être à elle. Or pour aimer les autres, il faut d’abord s’aimer soi-même. Pour aider les autres, il faut d’abord s’aider soi-même. Mais notre histoire, notre vécu, notre enfance font parfois qu’on ne sent pas digne d’accepter d’être aimé, d’être aidé. C’est cela que je voulais dire. Juliette souffre doublement. D’une part parce qu’elle a une partie d’elle-même, son enfant intérieur qui croit être abandonnée, et c’est une question qu’elle n’a jamais pu élucidée. D’autre part, parce qu’elle ne partage pas cette maladie. Ce qui était très intéressant c’était le point de vue de certaines des lectrices. Pour elles, dire que Juliette n’a pas assez combattu ou n’a pas réussi à combattre la maladie, c’est dire que finalement si on succombe à la maladie, c’est qu’on ne s’est pas assez battu, et donc que nous sommes responsables de notre mort. Moi, je ne le vois pas du tout de cette façon-là. Le sentiment de culpabilité est omniprésent chez nous les femmes je trouve. Voir la maladie ou la dépression comme un moyen de répondre à son mal-être, une roue de secours, une partie de soi qui est en deuil, une partie de son âme qui souffre, qu’il faut la soigner, la choyer, l’accepter est une vision singulière dans le monde occidental. 
Dans le monde occidental, la maladie ou la dépression sont rejetées. Elles ne doivent pas nous atteindre, si jamais elles nous atteignent, la première réaction, c’est la peur de mourir. Et là il y a un travail énorme à faire sur la symbolique de la mort et de la vie dans notre inconscient. Symbolique qui s’est construite à travers notre histoire personnelle, familiale mais aussi à travers la religion, qui est le domaine privilégié abordant les questions de la mort et de la vie. Et la peur de mourir, c’est la peur de perdre, la peur d’échouer, la peur d’être responsable et enfin la peur d’être coupable. C’est le cercle vicieux de la culpabilité. Or dans l’ensemble des cas cliniques traités par les psychanalystes, ce n’est pas la peur de mourir qui ronge les malades ou les dépressifs. C’est une autre peur déguisée. Une personne malade ou dépressive a déjà une partie d’elle en deuil ou mourrante. C’est ce qui se cache derrière ce deuil, cette partie souffrante, cette partie inanimée de notre âme, de notre histoire que se recroqueville notre véritable peur. Dans son œuvre intitulée "Guérir son enfant intérieur", Moussa Nabati dit « quand on aime la vie, on n’a pas peur de mourir ». Cette phrase est incroyablement paradoxale d’un côté et incroyablement vraie de l'autre. Tout dépend de ce que représentent la vie et la mort dans notre inconscient. 
Emmanuel Carrère parle de la vie des autres, et en tire des leçons dans sa propre vie. Certes en observant la vie des autres, on apprend, on se construit, mais ce n’est pas une condition suffisante. De mon point de vue, se construire, s’accepter (dans le sens d’accepter son histoire personnelle), s’aimer ça passe avant tout par un travail sur soi-même. Finalement se rassurer quand on déprime, quand on angoisse, en voyant des personnes qui sont dans de plus grandes souffrances, ça peut aider à prendre du recul, mais ça ne nous aidera jamais à voir cette partie de nous-mêmes qui nous titille et nous angoisse. Et j’ajouterai pour rassurer celles qui sont dans une nature culpabilisante, ce n’est pas parce qu’on n’a pas trouvé ou réussi à découvrir le pourquoi de notre angoisse, que nous allons tomber sous le joug de la maladie et de la dépression. Je pense juste qu’il faut être à l’écoute de ses émotions, en parler sans tabou à soi et aux autres. 

Banu

L'écume des jours de Boris Vian


C’était extrêmement intéressant de voir des avis très divergents selon les thèmes abordés. 
Concernant l’Ecume des jours de Boris Vian, de mon point de vue, Chloé et Colin ne s’aiment pas vraiment, en tout cas, je n’ai pas été touchée par leur histoire d’amour. Colin a certes du travailler pour aider Chloé à guérir, mais leur relation me fait penser aux relations d’antan… quand les gens se mariaient parce qu’il fallait se marier, au temps des mariages arrangés, …  Colin cherchait une femme, il est tombé sur Chloé et ils se sont vite mariés. A aucun moment on ne parle de leur relation. Certaines ont parlé d’une grande histoire d’amour, or pour moi, une histoire d’amour, c’est le partage. C’est la complicité. C’est comprendre l’autre et l’aider. Chloé pense-t-elle à Colin ? Certes, comme l'a dit Mathilde à l’époque les relations homme-femme ne sont pas les mêmes qu’aujourd’hui. Peut-on dès lors dire que toutes les relations d'amour se réduisaient à la relation superficielle qu'entretiennent Colin et Chloé?  Dans les années 40 on s'aimait ainsi et pas autrement? 
Comment sont décrites les femmes finalement dans ce roman? Qu'est-ce qui les caractérisent? Il y a cette idée que la femme ne pense qu’à sortir et à s’habiller. Idée qui est toujours d’actualité. Les médias et les publicités propagent et profitent de cette vision superficielle et consommatrice des femmes. Est-ce la vision qu’a Boris Vian des femmes ? Serait-il misogyne? Question très pertinente que pose Anne-Claude. Ça me rappelle ce que dit Moussa Nabati (auteur du livre "Bonheur d'être soi"), sur notre partie "infantile" qui est à l’origine d’attitudes qu’on appelle parfois des attitudes puériles. Et bien ces femmes dans L’écume des jours, ce sont des femmes adultes mais avec des comportements de petites filles.
N'oublions pas Alise, une femme qui est presqu'une héroïne, puisqu'elle va se sacrifier pour sauver son bien-aimé d’une addiction. Elle aurait pu se dire que cet homme a une maladie, qu’elle l’a aidé du mieux qu’elle pouvait, qu’il n’a pas compris et elle aurait pu décider de rompre et de passer à autre chose. Mais non, et cette attitude ne me semble pas saine, comme celle de Colin qui va travailler jusqu’à perdre tout son capital pour sauver Chloé de la maladie. 
Ces attitudes qui semblent héroïques pour Christine et d'autres lectrices, moi me semblent révélatrices d’un mal-être chez ces individus. Se détruire pour l’autre dans le cas d’Alise, et conditionner sa vie à la vie de sa bien-aimée me laissent perplexes. Je ne trouve pas tout à fait les mots pour l’expliquer, mais j’ai l’impression que ces personnages ne vivent pas pour elles-mêmes, elles vivent par procuration à travers la vie de ceux qu’ils disent aimer. Je ne remets pas en cause le fait que Colin travaille d’arrache-pied pour aider sa bien-aimée,  mais l’aime-t-il réellement ? Il cherchait une femme et c’est tombé sur Chloé. De mon point de vue, il a aimé l’idée d’aimer une femme. Mais il n’aimait pas cette femme pour ce qu’elle était mais pour ce qu’elle représentait peut-être. On a aussi dit qu’il était très généreux, même trop, je pense encore une fois, qu’il n’aidait pas réellement son ami. Le conforter dans son addiction en lui finançant les livres de Jean-Sol Partre ne me semble pas très ingénieux. Et lui payer son mariage, alors que Chick ne lui avait rien demandé. Je pense que Colin se sent bien quand il aide son ami Chick. Il se sent aimé et apprécié. Il a une meilleure image de lui-même. Et là je vais un peu loin dans l’analyse psychologique des protagonistes, mais je pense que Colin  ne s’aimait pas lui-même. 
Et je terminerai mon point de vue sur Colin en disant que la question de prouver son amour n’est pas une vraie question. Pour moi, l’amour ça ne se prouve pas… prouver son amour en se sacrifiant n’est pas une preuve d’amour. On n’a pas à choisir entre soi et celui qu’on aime. C’est comme demander à un enfant de choisir entre sa mère et son père . 

Banu

Pourquoi un blog après une rencontre littéraire?

Suite à notre premier rendez-vous littéraire que j'ai beaucoup apprécié, j'ai pensé à nos discussions fort intéressantes d'ailleurs, et j'ai eu envie de créer un "post cercle littéraire". Ce que j'appelle un " post" cercle littéraire est un espace dédié aux lecteurs et lectrices qui souhaitent faire part de leurs ressentis et de leurs opinions qui ont émergé à la suite de notre rendez-vous littéraire. Souvent après les échanges, d'autres idées ou avis mûrissent et j'avais envie de les mettre par écrit.
Chacun des membres du cercle littéraire peut écrire sur ce blog. Évidemment cette partie "post" cercle littéraire ne comporte aucun caractère obligatoire ou contraignant. Ecrivent ceux et celles qui le souhaitent.
Enfin la rédaction des articles est réservée aux membres du cercle littéraire.