mardi 30 octobre 2012

Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan

C’est un roman que j'ai dévoré. Je l'ai lu en très peu de temps. Quand je l'avais entre les mains, je ne voulais plus le déposer. 


C’est l’histoire d’une famille. Les histoires de famille, les histoires individuelles, les histoires de générations sont des sujets qui me tiennent à cœur. Peut-être parce que je suis moi-même en train de me questionner sur ma famille, mes racines, mes origines. Par ailleurs, ce n’est pas une fiction. L’auteur fait beaucoup d’efforts pour restituer les faits tels qu’ils ont été vécus par les membres de sa famille. A chaque page du roman, j’ai pensé à ma famille, à mon enfance, … est-ce que je pourrais écrire sur ma mère ou mon père ? Pourrais-je écrire sur ma propre vie ? Ce qui m’a plu c’est la véracité des faits. Ce n’est pas le tableau rose d’une famille nombreuse où tout est parfait. Comme dans toute famille, il y a des décès, des non-dits, des secrets, des douleurs, …

C’est la première fois que je lis un roman, où l’auteur tient à nous raconter son travail d’écrivaine. Elle nous confie toutes les difficultés que peut rencontrer un écrivain. Quelle va être la fin ? Quel est le fil directeur ? Quels pronoms utiliser ? Je ou elle ? Les subterfuges qu’elle trouve pour éviter de s’asseoir devant son bureau.  Et puis, la difficulté supplémentaire à laquelle se heurte cette auteure, c’est le lien qu’elle entretient avec le personnage principal. Il s’agit de sa mère. Elle pense également aux autres membres de la famille. Elle pense à leurs réactions quand ils liront le roman. J’ai aussi été interpellée par les titres de romans qu’elle cite, notamment celui de Christine Angot, L’Inceste, celui Lionel Duroy, Le chagrin, et celui de Gérard Garouste, l’Intranquille, œuvres qui font partie de la liste de romans que je souhaite lire. Encore une fois, pour moi, le roman de Delphine de Vigan et ceux qu’elle cite, viennent démontrer le poids, l’influence de notre vécu familial sur notre vie d’adulte.

Concernant les personnages, j’ai eu du mal au début du roman à comprendre Liane, la grand-mère de Delphine de Vigan. Comment une femme pouvait-elle avoir pour seul dessein de faire 12 enfants? Elle m’a aussi beaucoup surprise par son attitude, de mon point de vue irresponsable, auprès des enfants. Le fait qu’elle les envoie au parc... qu’elle dorme, alors que 5,6 ou 7 marmots sont en liberté dans la maison ou dans le parc ? Elle m’a aussi stupéfaite, quand elle dit « ce n’est pas bien de raconter des choses comme ça sur votre grand-père ». C’est difficile d’accepter que durant toutes ces années qu’elle a partagées avec George, elle n’ait rien remarqué… Mais dans les histoires de viol ou d’inceste, très souvent, beaucoup de personnes qui côtoient le violeur, sont aveugles, ne voient pas ou ne peuvent pas accepter ce qui se passe.

Georges,  j’ai commencé à le trouver suspect quand l’auteur dit qu’il regardait Lucile d’un autre œil. Quand elle raconte qu’il ridiculisait les enfants, qu’il n’acceptait pas leur attitude d’ado, … et puis quand elle dit que ses relations avec les filles étaient douteuses… quand Lucile appelle Delphine pour s’assurer que tout va bien, qu’elle débarque de la salle de bain toute nue et découvre Delphine dans sa chambre, quand elle raconte qu’elle avait peur que sa fille soit violée par l’homme avec qui elle sortait …je réfléchissais tout au long des pages que je tournais sur ce qui avait pu provoquer chez Lucile ce côté mystérieux, ce côté renfermé ?
Et j’ai commencé à avoir de plus en plus de doutes sur son père. Et quand j’ai appris qu’il l’avait violé. J’ai posé le livre et j’ai dit : je le savais.

L’auteur m’a beaucoup touché, notamment quand elle était enfant. Pour moi, elle a été enfant thérapeute. Elle n'a pas vraiment vécu son enfance. Très jeune, elle devait subvenir aux besoins de la famille en posant pour des photographies. Elle n'a pas vécu non plus complètement son enfance, car elle devait aider sa mère à assurer son rôle de mère. Quand elle court pour sauver sa sœur des mains de sa mère, elle doit avoir 14 ans, c’était le 31 janvier 1980 (date de la 1ère crise de Lucile – elle a 33 ans -, suite aux suicides de son compagnon et de son frère Milo mai 1979). Elle dit d’ailleurs : « J’écris à cause du 31 janvier 1980. » Date à laquelle tout chamboule, date de non retour, date à laquelle elle devient définitivement adulte et chasse la pureté, l’innocence de l’enfance. Elle n'est plus enfant, quand ses parents ont divorcé et qu’elle doit jouer le rôle de la médiatrice entre les deux parents. Les moments difficiles qu’elle traverse quand Lucile va de mal en pis (Lucile écrit « je vais craquer » avec son rouge à lèvre sur le miroir de la salle de bains), Delphine (environ 11 ans) a peur de retrouver sa mère morte. Puis après la  première crise, l’anorexie, puis le virus qu’elle attrape, … montrent combien l'écrivaine a souffert. Pour moi, Delphine de Vigan à travers l’écriture a essayé de comprendre mais surtout elle cherchait une réponse, une réponse qui n’existe pas en fait. Pourquoi sa mère en est arrivée là ? L’auteure, aurait-elle pu faire quelque chose ? Je pense que c’est l’enfant en elle qui cherchait à se déculpabiliser, qui cherchait une preuve d’amour et que rien n’aurait pu changer le cours des choses. Delphine de Vigan à travers ce roman essaye de guérir.

Les parties du roman qui m’ont étonnées : quand Lucile écrit et envoie à toute la famille (Lucile a 32 ans) qu’elle a été violée par son père. On comprend bien à travers ce roman, que les histoires d’inceste sont extrêmement difficiles à vivre et à accepter dans les familles. Qu’aurait-il pu se passer si un membre avait pris au sérieux ses confessions ? Son père aurait été condamné… et je pense que beaucoup de membres de la famille ont pensé à : que diront les autres ? Quelle image aura notre famille ? Qu’allons-nous légué à nos enfants ? Ils ont préféré taire… faire comme si de rien n’était… et Lucile comme après la mort d’Antonin, ou comme avant la mort d’Antonin, était là physiquement mais absente au sein de la famille. Du moins, c’est ainsi qu’elle l’a ressenti je pense. Finalement on peut se demander jusqu’où cette famille était réellement unie ? En apparence, comme dans le film enregistré, c’était une famille nombreuse et joyeuse, mais en réalité, tout est différent. Les membres, Lucile y compris, ne conservent pas cette peinture idyllique d'une famille exemplaire. 

C’est un roman qui nous tient vraiment en haleine avec des mots poignants et un beau style de narration.

Parmi les thèmes abordés, les histoires de famille, les secrets de famille, l’inceste, la maladie, celle de la bipolarité (Lucile et Barbara, la sœur de Liane), le suicide (pacte entre Jean-Baptiste – il est le cousin germain de Lucile et il était le père de l’enfant de Justine, Niels et Milo) , le pouvoir libérateur de l’écriture, la psychogénéalogie, l’isolement dans lequel se trouve une personne dépressive, la masturbation, le divorce, le tiraillement dans lequel se trouvent les enfants de parents divorcés. 

J'ai bien apprécié lors de notre rendez-vous littéraire, la discussion qui a débuté avec le thème de la psychogénéalogie et s'est clôturée sur le thème des différentes méthodes de guérison avec les magnétiseurs et les coupeurs de feu.

Banu

Et puis Paulette... de Barbara Constantine



J’ai savouré ce roman pour plusieurs raisons. Tout d’abord les personnages sont très attachants. J’ai d’ailleurs pensé à « Ensemble c’est tout », de Anna Gavalda  ou « La valse lente des tortues » de Katherine Pancol ou encore « le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates » de Mary  Ann Schaffer parce que les personnages de ces romans étaient aussi sympathiques, bienveillants, drôles, attendrissants, … bref vivants. Ferdinand, je l’ai trouvé bourru,  drôle, attendrissant et têtu, un personnage qu’on aime malgré tout. Marceline, bienveillante, maternante, sensible. Les enfants, Lucien et Ludovic, ils m’ont bien fait rire, de véritables peintures de l’innocence, de la franchise et de la joie de vivre. Muriel et Kim courageux, volontaires, une image assez fidèle de la génération des jeunes d'aujourd'hui. Les sœurs Lumière, symbole d’une amitié exemplaire. Guy et sa moitié, un couple soudé soumis à une séparation, une des douleurs de la vie les plus difficiles à surmonter, de mon point de vue. Enfin Roland et sa femme, l’image d’un couple qui se désagrège, un tableau qui me rappelle autour de moi des amis ou couples qui se sont séparés.

J’ai aussi rapproché ce roman de « Ensemble, c’est tout » et des autres, parce que le ton est léger. Les moments difficiles de la vie ne sont pas racontés de façon dramatique. Vous ne ressortez pas de ce roman complètement bouleversé et perturbé, comme vous pouvez l’être, dans mon cas, quand j’ai lu « D’autres vies que la mienne ».  Et puis toutes les références faites à la nature, aux tisanes pour se soigner, à l’agriculture bio, à la peinture faite maison, … C'était un régal !

Ce que j'ai beaucoup apprécié également, ce sont les thèmes qui y sont abordés et évidemment la façon dont ils sont abordés. L’amitié et l’amour, le ciment de la vie, des liens d’amitié se créent entre les générations, à travers une même génération, et ces liens se créent tout au long du roman. Ferdinand est à l’origine de cette grande toile d’amitié qui se forme dans sa grande maison. Et puis l’entraide, la solidarité, l’empathie, le respect de l’autre (quand personne n’ose poser la question à Marceline), la bienveillance.
Et puis des thèmes d’actualité, les problèmes de logement, l’agriculture bio, la gestion du deuil, le déni de grossesse, la dépendance des personnes âgées, la solitude, la maladie, …

Puis l’écriture de l’auteur, une lecture facile, simple et parfois des petites expressions que j’ai bien aimées, comme « rester comme deux ronds de flan », …

La fin nous laisse sur notre faim… on a envie d’en savoir plus…